#06 Robot soldier

23 juillet 2009 at 3:13 Laisser un commentaire

« Sois régulier dans tes foulées, allez ! Encore trois tours ! »

Je suais comme un damné alors que j’entamais mon septième tour de notre pâté de maisons. Mon père, sifflet à la bouche et chronomètre en main, me faisait courir à un rythme rapide afin que j’améliore ma condition physique. Son regard sévère me faisait froid dans le dos et je me donnais totalement dans l’espoir de ne pas le décevoir. Je n’avais jamais connu pareil entraînement ; bien sûr, il nous arrivait de faire des tours de terrain à l’école, mais jamais avec un rythme aussi soutenu et sur une pareille durée. Mais c’était de l’histoire ancienne : mon père m’avait prévenu, le niveau de jeu au collège est bien plus élevé qu’à l’école primaire, surtout à Rokkakubashi. Ma frêle carrure ne serait pas un avantage, alors il fallait que je travaille mon endurance pour pouvoir tenir tête aux garçons qui entamaient déjà leur crise de croissance. Ainsi mon père me faisait courir au moins deux heures chaque matin durant toutes les vacances. J’étais épuisé, mais je me disais que tout ceci n’était pas du travail en vain. Je sentais vraiment que je pourrais progresser. L’après-midi il m’emmenait m’entraîner, soit sur un terrain qu’il louait à une petite enseigne, soit devant notre garage où un panier était toujours accroché. Je devais enchaîner des shoots dans toutes les positions un nombre incalculable de fois, et quand je croyais en voir le bout, une nouvelle série de tirs recommençait.

Tout ceci rendait mon corps plus fort, plus endurant, mais cela avait également pour effet d’épuiser mon mental. Ces longues journées passées à s’entraîner sans le moindre moment d’amusement commençaient à m’agacer, mais je prenais sur moi en me disant que c’était pour mon bien. Mais le soir en m’endormant, je ne pouvais m’ôter de la tête ces yeux paternels plein d’autorité qui m’avaient suivi toute la journée. Mes nuits étaient agitées. Les entraînements répétitifs me poursuivaient jusque dans mes rêves. Je me revoyais en train de courir sans but sur une route qui s’étendait infiniment jusqu’à l’horizon. Mes jambes étaient plus lourdes que du plomb, le soleil m’aveuglait, et mon père continuait de crier sans cesse « plus vite Hitonari, plus vite ! ». Je me réveillais tout transpirant, les draps en pagaille comme si une bagarre avait eu lieu sur mon lit. Mon père me pressait de prendre mon petit-déjeuner et de me préparer pour le footing matinal. J’enfilais mes baskets et le suivait dehors. Son coup de sifflet retentissait et il mettait son chronomètre en route.

– Allez Hitonari, quand tu cours, ne pense qu’à la victoire !, me hurlait-il.

– Mais Papa… je ne suis pas… une machine, articulais-je entre deux reprises de respiration.

– Ce n’est pas ça Hitonari ! Tu ne dois te soucier que du fait de devenir le meilleur. Il n’y a rien d’autre qui compte. La sérénité, l’exactitude du geste, le désir de victoire, l’envie d’aller plus haut… il n’y a rien d’autre qui compte !

– …

Trop fatigué pour réfléchir à quelle réponse apporter, je continuais de courir, pour fuir les mots si forts de mon père. Ce n’était pas exactement ce que j’attendais. Bien sûr, je voulais devenir le meilleur ! Mais était-ce la seule manière d’y parvenir ? En mettant des œillères autour de son esprit et en le tournant vers une seule et même idée ? Je commençais à regretter d’avoir insisté auprès de ma mère pour pouvoir jouer au basket durant les vacances. Celles-ci se transformaient en camp militaire pour jeune délinquant. Vivement la rentrée que je puisse rencontrer de nouveaux copains et m’amuser avec eux !

Hélas, j’allais bientôt regretter ce trop plein d’optimisme…

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#05 Strict woman versus elderly man Avant-goût de la deuxième partie

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